Vie municipale

CDG Express certes, mais en silence SVP !

Près de 30 ans après les premières réflexions, le CDG Express, reliant la gare de l’Est à l’aéroport de Roissy en 20 minutes sera une réalité en mars 2027. Une avancée pour les transports, mais à quel prix pour les Drancéens ? La ville poursuit son combat pour obtenir un écran antibruit.

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  • Dépourvu d’espace pour les bagages, le RER B n’est pas adapté aux voyageurs aériens, qui constituent pourtant 35 % de sa fréquentation.
  • La ligne saturée B devrait être soulagée d’un grand nombre de voyageurs (les plus encombrants avec leurs valises) et retrouver sa fonction pour les trajets du quotidien.
  • CDG Express, liaison directe en 20 minutes entre l’aéroport et la gare de l’Est, est un projet mené par le ministère des Transports. Il est piloté, depuis 2018, par la société CDG Express SAS, détenue par SNCF Réseau, le groupe Aéroports de Paris et la Caisse des Dépôts. Le financement de cette ligne est entièrement privé.
  • Le projet (32 km dont 8 km de voies nouvelles) a été déclaré d’intérêt public en 2008 puis en 2017. Il est aussi une alternative à la voiture et devrait capter environ 15 % des déplacements routiers, à compter du 28 mars 2027.
  • En 2019, son exploitation a été attribuée au groupement Hello Paris : Keolis (filiale SNCF) et RATP Dev.
  • Avec 70 millions de passagers, l’aéroport de Paris-CDG est le 3e plus important d’Europe, mais le seul ne disposant pas de trains directs vers le centre-ville.

Indépendamment de toute considération financière, il est important de trancher une épineuse question : un train roulant à 140 km/h à quelques dizaines de mètres des habitations provoque-t-il un bruit supportable ou non ? Les rames du CDG Express produiront un bruit estimé entre 95 et 105 dB, un danger pour la santé selon l’OMS. Jusqu’à présent, on a assisté à un débat d’experts déconnectés, mesurant les décibels à différentes distances, et décrétant : "ici, oui au mur antibruit", “là, une isolation avec de bonnes portes et fenêtres suffira”. Mais c’est ignorer la vraie vie, celle où l’on profite du calme à l’intérieur, en pouvant aussi ouvrir ses fenêtres, celle où l’on s’installe dans son jardin ensoleillé...

À Drancy, la cause semblait entendue dès le départ : avec l’arrivée du CDG Express, un écran acoustique protégerait les 10 000 habitants du quartier de l’Économie. Ce d’autant, qu’ils subissent déjà les nuisances, essentiellement nocturnes, de la gare de triage du Bourget avec ses 48 voies ferrées, d’où sont détachées les files de wagons de fret pour être redirigées vers leur nouvelle destination. Mais c’était sans compter sur les multiples aléas d’un projet démarré à la fin des années 90. La ville a pourtant su rester mobilisée pour réclamer, sans discontinuer, la mise en œuvre d’une solution antibruit efficace pour les riverains : la configuration des rues, perpendiculaires aux voies ferrées qu’emprunteront les futurs trains, justifie que soit retenue la solution d’un véritable écran phonique.

Isolations de façade au lieu de murs antibruit

Or, en début d’année, le projet de construire deux murs antibruit, l’un de 580 m, l’autre de 370 m, le long du chemin latéral entre la rue Marconi et l’avenue Turgot est abandonné par la maîtrise d'ouvrage (composée de ADP, la SNCF réseaux et la Caisse des dépôts). Alors qu’entre la gare de La Plaine St-Denis et Mitry-Mory, le CDG Express utilise, sur 22 kilomètres, 2 voies parallèles à celles du RER B. Au niveau du Bourget – Drancy, il passera sur les voies du faisceau nord au droit du triage, modernisées afin de supporter une vitesse de circulation de 140 km/h. Des voies actuellement empruntées par la Ligne K, le Fret et les TER Paris-Laon, qui circulent moins vite en zone urbaine (entre 80 et 100 km/h).

La proposition de SNCF Réseau ? Isoler phoniquement les façades de 73 logements à Drancy (700 sur l’ensemble de la ligne), via un simple changement des ouvrants par des modèles acoustiques. Le gestionnaire du réseau ferré national affirme ainsi déployer un programme réglementaire, pour les habitations dont l’augmentation du niveau sonore est estimée à 2 dB, soit un seuil, selon l’ambiance sonore préexistante de 63 ou 68 dB le jour et de 58 ou 63 dB la nuit, ainsi qu’un programme supplémentaire, avec des seuils légèrement plus élevés. Pour Drancy, une opération “cosmétique” qui ressemble à s’y méprendre à un lot de consolation !

Pas de lot de consolation !

"Les habitants ne peuvent s’en contenter, d’autant que beaucoup ont déjà fait les travaux nécessaires en raison des nuisances de la gare de triage, a rappelé le maire Aude Lagarde, par voie de presse. Lors d’une réunion en préfecture, on avait obtenu un engagement oral clair de la part d’Aéroport de Paris, l’un des trois porteurs du projet avec SNCF Réseau et la Caisse des dépôts. Imaginez : impossible de profiter de son jardin de 5 heures à minuit car le CDG Express passera toutes les 16 minutes."

Le projet prévoit en effet 75 trains par sens et par jour, soit 150 en tout. La dernière solution proposée paraît d’autant plus inacceptable que Drancy a de tout temps soutenu le projet "dans l’intérêt du territoire et du pays, à condition que notre commune soit protégée du bruit qu’il entraînera", continue Aude Lagarde. À l’inverse, Mitry-Mory qui s’y est toujours opposée verra, elle, sa protection phonique construite. Une forme de prime à la contestation ? Il est légitime de s’interroger.

Toujours est-il que Drancy a repris son bâton de pèlerin. Courrier au préfet, rappel des promesses et des subventions régionales de 1,425 million d’euros perçues par SNCF Réseau pour résorber ses points noirs bruit identifiés de longue date et dont la gare de triage de Drancy fait partie. Résultat, le préfet de région, Marc Guillaume, s’est déplacé en personne sur site cet été, avant de confirmer, par courrier, que les mesures de Bruitparif de 2007 et de 2015 seraient complétées.

Nouvelles études, un signal encourageant

Dans un premier temps, le préfet permet quand même à SNCF Réseau de réaliser ses audits cet automne dans les habitations, afin de se mettre d’accord avec leurs occupants pour réaliser des travaux dès 2026 (d’une durée de quelques jours après signature d’une convention). Dans un second temps, Marc Guillaume s’engage formellement suite à sa visite : “De nouvelles études acoustiques doivent être menées, notamment pour tenir compte des évolutions de l’environnement bâti à proximité des voies ferrées”.

Les résultats devront être disponibles dans le courant de 2026 , mais la préfecture confirme surtout que des écrans acoustiques pourraient être installés à Drancy, contrairement à ce qu'avait initialement été annoncé par la maitrise d'ouvrage.

L’espoir renaît ainsi — le mur antibruit reste envisageable — pour tous les riverains qui supportent déjà des pics dépassant les 100 dB avec les 200 000 wagons de marchandises qui défilent chaque année sur l’emprise ferroviaire. Sachant de plus que concernant ces crissements insupportables, le test lancé en 2017, d’un système slovène sophistiqué dénommé ELPA, de réduction du bruit ferroviaire, a été abandonné sans que la SNCF daigne en détailler les résultats. Il est aujourd’hui question d’une nouvelle expérimentation.

Drancy ne peut être un laboratoire permanent ! D’autant qu’une nouvelle règlementation, bien qu’“expérimentale”, prévoit de ne plus prendre en compte simplement les pics, mais l’intensité des nuisances, leur répétitivité et leur vitesse. La tout avec des seuils de 45 à 55 dB en fonction des heures, qui seront allègrement franchis à Drancy avec le lancement du CDG Express.